L'article propose de réfléchir autour du rôle joué par la lecture psychanalytique sur la tragédie grecque. En particulier, ici nous attirons l'attention sur l'interprétation lacanienne de l'Antigone de Sophocle, à laquelle est dédié un entier séminaire du psychanalyste français. Nous verrons comment l'originalité de cet interprétation consiste à survoler sur la bien connue dichotomie entre la loi de la polis et celle de nature (lecture privilégiée par Hegel), à fin de se concentrer sur la beauté éclatante de l'héroïne tragique. Cette beauté, qui est due à la monumentalité, à la fermeté et au courage avec lequel Antigone atteint son désir d'enterrer Polynice, permet d'accomplir une vraie révolution esthétique. En effet, le tournant épistémologique du VII séminaire, contestant la morale du bien commun, consent à un dépassement de l'éthique traditionnelle pour proposer un nouveau ordre fondé sur le désir. Pourtant, cela est possible seulement grâce à la dimension esthétique, ici entendue dans la signification originaire que lui donne Baumgarten en tant que Kuntstwissenschaft, science de l'art et du beau. Dans la réélaboration de Lacan le mythe tragique, véhiculant une beauté qui, seule, défie la mort, légitime véritablement la naissance d'un nouvel ordre éthique de la psychanalyse.